Moyens
défensifs (O.P.A): Les principales stratégies
défensives qu’une société peut mettre en oeuvre et celles qui sont limitées ou
prohibées par la législation sont les suivantes:
1/ Les
interventions de la société cible sur son capital:
a/ Les
augmentations de capital:
La possibilité pour une société
cible de procéder à une augmentation de capital en cours d’O.P.A en vue de
rendre plus onéreuse et par conséquent plus difficile sa prise de contrôle par
un initiateur indésirable n’était pas clairement réglé par les textes et la
jurisprudence jusqu’à la réforme instituée par la loi du 2 août 1989. Depuis
cette réforme, l’alinéa 2 de l’article 180 de la loi du 24 juillet 1966 dispose
que l’assemblée générale peut déléguer au conseil d’administration ou au
directoire, selon le cas, les pouvoirs nécessaires à l’effet de réaliser
l’augmentation de capital en une ou plusieurs fois, d’en fixer les modalités,
d’en constater la réalisation et de procéder à la modification corrélative des
statuts. Cette délégation est suspendue en période d’offre publique d’achat ou
d’échange sur les titres de la société, sauf si l’assemblée générale,
préalablement à l’offre et expressément, a autorisé, pour une durée n’excédant
pas un an, une augmentation de capital pendant ladite période et à condition
que l’augmentation envisagée n’ait pas été réservée.
b/ Réduction de
capital:
Rien n’interdit juridiquement la
réduction de capital comme moyen de défense contre un initiateur. On notera
simplement le problème financier que risque de connaître la société cible. Il
faudra en effet qu’elle ait suffisamment de réserve pour pouvoir poursuivre son
activité, à moins que les pertes de liquidités résultant du rachat de titres de
capital soient compensées par des concours bancaires. Mais ce type d’opérations
est très onéreux.
c/ Interdiction
de renforcer l’autocontrôle:
Le règlement
89-03 de la Commission des opérations de bourse prévoit dans son article 3
alinéa 3 que la compétition que peut
impliquer une offre publique s’effectue par le libre jeu des offres et de leurs
surenchères. Dès le dépôt du projet d’offre, les dirigeants de la société visée
ne peuvent accroître les participations d’autocontrôle existant à cette date.
d/ Action de
concert:
Les investisseurs organi-sant une
action de concert contre une O.P.A inamicale doivent bien avoir présent à
l’esprit qu’ils peuvent se voir obligés de déposer une offre publique
concurrente s’ils dépassent le seuil des 33%. Or, ce seuil du tiers
peut-être facilement atteint si l’on
ajoute aux participations déjà détenues les titres achetés sur le marché pour
maintenir les titres à un cours qui les met hors-de portée de l’offre publique
inamicale. Organiser une action de concert en essayant d’obtenir des
renversements d’alliance auprès des détenteurs de blocs de titres importants
reste une des meilleures stratégies.
e/ Rachat par
une société de ses propres titres:
Le principe posé par l’article 217
de la loi du 24 juillet 1966 est l’interdiction de la souscription et de
l’achat par une société de ses propres actions, soit directement, soit par une
personne agissant en son propre nom, mais pour le compte de la société. Il
existe des exceptions à ce principe, mais elles ne concernent pas la situation
des offres publiques. Le rachat par une société de ses propres titres est donc
prohibé en cours d’offre publique sauf, comme nous l’avons vu, réduction du
capital non motivée par des pertes.
f/ Achats
massifs de titres directement sur le marché:
Cette technique de défense mise en
oeuvre par les actionnaires de la société cible est une des plus efficace. Elle
consiste à procéder à des achats massifs de titres sur le marché afin que le
cours des actions soit à un niveau toujours supérieur à celui de l’offre.
Encore faut-il que les actionnaires n’agissent pas de concert, que la société n’ait
pas procédé au rachat de ses actions et qu’elle n’ait pas avancé des fonds,
accordé des prêts ou consenti des sûretés en vue de la souscription ou de
l’achat de ses propres actions par un tiers.
g/ Les
manipulations de cours:
L’achat de titres sur le marché est
autorisé, mais il faut savoir qu’il ne doit pas enfreindre la réglementation de
l’ordonnance du 28 septembre 1968 sur les fausses rumeurs et les délits
d’initiés, ni la réglementation de la C.O.B sur ces mêmes thèmes. La
réglementation ne considère normalement pas comme délit d’initié les achats de
titres sur le marché pour se défendre d’une offre publique imminente ou pour
réagir à une offre une fois qu’elle est lancée.
h/ Le recours
aux méthodes du leverage buy out:
Il faut dans ce cas que la société
cible ait le soutien franc et massif de ses dirigeants, de ses actionnaires,
voire de ses salariés. L’opération consiste en effet à faire contracter un
emprunt par une société tierce (créée ou rachetée pour la circonstance) afin
que celle-ci puisse lancer une contre-offre à celle du chevalier noir. Cette
dernière société sera ensuite censée payer les intérêts de son emprunt avec les
dividendes des titres de capital de la société cible. Le régime fiscal est
avantageux, mais il faut savoir qu’il est nécessaire que la société cible ait
un bilan largement bénéficiaire pour que le montage financier soit viable.
2/ Les autres
moyens de défense:
a/ Le recours à
un chevalier blanc:
Il s’agit là de trouver un
partenaire industriel ami qui lancera une contre-offre à celle du chevalier
noir. Le thème poétique de la chevalerie du bien et du mal qui est né avec
l’affaire de la télémécanique doit cependant être nuancé. Les gens de finances
n’étant pas dans leur activité première des philanthropes n’acceptent bien
souvent de se porter au secours «d’une société victime d’une O.P.A inamicale»
que s’ils y trouvent un intérêt financier ou
industriel. Quant aux chevaliers noirs, il est rare qu’ils veulent
s’emparer du contrôle d’une société aux seules fins spéculatives de la dépecer
et de la revendre par quartier (cela a pourtant existé aux E.U.). La grisaille semble donc une teinte
plus appropriée pour dépeindre l’âme des chevaliers officiant en bourse.
b/ La
contre-offre lancée sur l’initiateur:
Il s’agit là pour la société cible
de riposter en lançant à son tour une O.P.A contre son agresseur. Ce type de
stratégie correspond à des situations bien particulières où l’initiateur ne
contrôle pas bien son capital et où la cible dispose de liquidités importantes.
Des achats massifs par la cible sur le marché du titre de son agresseur sont
une manoeuvre d’intimidation plus courante. Tel a été le cas lorsque la
Compagnie de navigation mixte répliquait à l’offre publique inamicale de
Paribas en faisant des achats massifs de titres Paribas directement sur le
marché.
c/ La cession
de certains de ses actifs par la société cible:
Une solution consisterait pour une
société cible victime d’une O.P.A inamicale à céder à un partenaire industriel
ou financier les actifs qui intéressent
l’initiateur de l’offre publique hostile. Cette méthode pour faire échouer une
offre publique semble cependant se heurter à plusieurs obstacles juridiques. Le
premier est que la compétition pour la prise de contrôle d’une société lors
d’une offre publique ne doit normalement se dérouler que selon le jeu des surenchères. Le second obstacle est la
notion d’intérêt social de la société que les dirigeants de la société doivent
préserver. Une cession en cours d’O.P.A ne manquerait pas de donner lieu à un
contentieux pour abus de biens sociaux. Une possibilité consisterait à demander
à une assemblée extraordinaire d’actionnaires de décider de la cession des
actifs.
Pour finir, il
faut savoir que ce type de cession en cours d’O.P.A devra se soumettre à la
réglementation des actes dépassant la gestion courante de la société.
d/ Les droits
de vote double:
L’article 175 de la loi du 24
juillet 1966 prévoit qu’un droit de vote double peut être attribué à des actions
composant le capital d’une société. Ce droit doit être attribué par les statuts
d’origine de la société ou par une modification de ses statuts approuvée par
une assemblée générale extraordinaire. Les actions doivent aussi être
nominatives et au nom du même actionnaire depuis deux ans pour pouvoir
bénéficier de ce droit de vote double.
De plus, l’alinéa 2 de l’article 175 prévoit qu’en cas d’augmentation de
capital par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d’émission, le droit
de vote double peut-être conféré, dès leur émission aux actions nominatives
attribuées gratuitement à un actionnaire à raison d’actions anciennes pour
lesquelles il bénéficie de ce droit. Dans ce cas, les actionnaires récents,
même participant à l’augmentation de capital, n’auront qu’un droit de vote
simple pour leurs nouvelles actions. Ils devront attendre deux ans pour obtenir
ce droit de vote double.
e/ Les clauses
statutaires d’agrément:
Il faut savoir que le règlement
89-03 de la Commission des opérations de bourse prévoit dans son article 4 que
sauf lorsqu’elle résulte d’une obligation législative, aucune clause d’agrément
statutaire d’une société visée, inscrite au premier ou au second marché, ne peut être opposée à l’initiateur
d’une offre publique pour les titres qui lui seraient apportés dans le cadre de
son offre.
f/ Les recours
administratifs:
Il nous faut maintenant évoquer
brièvement les autori-sations que délivre l’Etat. Le ministre de l’économie et
des finances est compétent en matière d’offre publique pour ce qui est de
l’autorisation qu’il doit délivrer en ce qui concerne les problèmes de
concurrence et de concentration. La publication de l’ouverture d’une offre
publique ne signifie pas accord sur l’opération au titre du droit des
concentrations. Conformément à l’ordonnance du 1 décembre 1986, l’initiateur de
l’offre a la faculté de notifier ce projet au ministre chargé de l’économie et
des finances (direction générale de la concurrence et de la consommation) qui,
faute de cette notification préalable, conserve son pouvoir de contrôle. Cette
réglementation peut faire échec à une O.P.A.
g/ Les recours
devant les tribunaux:
Ils peuvent faire durer et
compliquer la prise de contrôle d’une société. Les recours peuvent concerner
les franchissements de seuils, la décision de recevabilité de l’offre par le
Conseil des marchés financiers, l’autorisation délivrée par le ministre de
l’économie et des finances au titre de la réglementation sur la concurrence.
Ces recours permettent de gagner du temps en vue de trouver un chevalier blanc
ou de monter une «machine de guerre» capable de lancer une contre-offre
publique d’acqui-sition.